Bonjour Monsieur Makota, tous nos vœux les meilleurs pour l’année 2021 qu’on souhaite pleine de réalisations !
Merci beaucoup ! Merci d’avoir pris le temps de venir échanger avec moi. Je pense que votre écriture est très objective et ça, j’apprécie beaucoup…
Quelle appréciation faites-vous de l’année 2020 avec la sélection nationale camerounaise ?
C’est difficile de parler de l’année 2020, je peux y ajouter la fin de 2019 qui correspond un peu à une année depuis qu’on est en place avec le nouveau staff. La première chose, d’abord, je pense qu’on peut être satisfait des résultats qu’on a aujourd’hui sur le plan purement sportif. Et sur les détails de ce côté-là, je pense que le coach aura l’occasion de s’exprimer là-dessus. On a eu des résultats que tout le monde a vus même si parfois, on a tendance à négliger certains résultats comme le Mozambique, par rapport à leur classement, etc… Je pense qu’aujourd’hui, dans les matches internationaux, il n’y a plus de petits pays, tous les matches sont importants. Maintenant, il y a des choses à faire qui sont pour moi très importantes. Là où il faut qu’on progresse, c’est dans la relation avec l’ensemble du monde du football, l’implication des anciens footballeurs, qu’on essaie de les rapprocher aussi et qu’on les écoute parce que c’est important aussi d’écouter ces anciens qui ont une certaine légitimité. Qu’ils soient critiques, qu’ils apprécient, nous devons les écouter parce que c’est ça qui va nous permettre d’avancer, de progresser.
Qu’est-ce qui aura été le plus difficile dans votre mission entre 2019 et 2020 ?
Je ne sais pas si je vais parler de difficultés mais au début, quand on est arrivés, il fallait qu’on se fasse connaissance. On est arrivés, on a trouvé des gens en place avec la Fédération, que ce soit Salomon Olembe, en tant que Team Manager, que ce soit Bill Tchato. Il y avait une certaine manière de fonctionner et nous, on est arrivés avec une autre façon de voir les choses et le début pouvait être un peu difficile parce que chacun voulait essayer de se faire comprendre. Par rapport aux garçons, ce sont des personnes que personnellement, sur le plan individuel, j’apprécie, que j’ai toujours appréciées. Après, il y avait le côté travail dans lequel il fallait qu’on se comprenne. Comment les uns et les autres fonctionnent. On ne peut pas tout chambouler comme ça quand on arrive. Ça fait qu’il y a eu une petite période d’adaptation et aujourd’hui, les choses se sont mises vraiment en place. On s’entend super bien, il y a une communication, il y a une interaction aussi qui fait que tout le monde a l’impression que chacun est à sa place et que chacun est en train de faire son travail comme il faut.
Quel a été selon vous votre apport personnel en tant qu’agent de liaison, un poste qui n’existe pas en sélection avant votre arrivée ?
Je ne sais pas si c’est à moi de dire ce que cela a apporté mais j’ai contacté qu’il n’y avait pas de rapport entre les médias et l’équipe nationale. J’avais l’impression qu’il y avait un creuset et ça, c’est quelque chose sur lequel j’ai beaucoup insisté et que j’insiste encore parce qu’on n’est pas encore allé assez loin. Deuxième chose, mon rôle est un peu comme celui d’un Directeur sportif dans un club, je tiens à protéger les institutions. Pour moi, les institutions, c’est la Fédération, c’est le Ministère des sports. Il faut les protéger et pour les protéger, il faut quelqu’un, un intermédiaire qui fait l’interface entre ces entités, les joueurs, le staff pour éviter qu’il y ait des conflits qui peuvent ressurgir par ci par là, par rapport à un écart de langage… et ça aussi, c’est quelque chose que je suis en train de mettre en place. Il y a une communication et une intercommunication des informations qui passent d’une entité à l’autre. Ça, ce sont des choses qui sont parfois compliquées à comprendre. Mais je pense que ça a mis du temps. Aujourd’hui, ça prend son chemin, tout le monde essaie d’adhérer. Les joueurs ont compris qu’ils ont des gens qui sont là, avec lesquels ils doivent faire passer leurs messages et pour faire remonter les messages.
Avez-vous l’impression que tous les moyens sont mis à votre disposition afin que vous puissiez mener à bien votre mission ? On sait quand même que la fédération et le Ministère des sports ont souvent trainé à débloquer les fonds pour les stages, pour les missions… Est-ce que pour l’instant, avec vous, ça se passe mieux ?
Jusqu’à présent, je pense que les choses se passent relativement pas mal. Je dis, on n’a pas à véritablement se plaindre. Il y a eu un petit problème qui s’est produit pour le deuxième match amical que le coach avait souhaité jouer contre l’Algérie ou un autre en octobre et pour certaines raisons, ça n’a pas eu lieu, ce qui a un peu agacé le coach. Je pense qu’on aurait pu faire mieux pour que ça se réalise. Mais c’est des petites choses qu’il faut apprendre à mettre en place progressivement et je pense qu’aujourd’hui, ça s’organise et il y a l’écoute. On discute et il y a un échange des messages et je pense que c’est important. Dans le futur, je pense que ce sont des choses qui pourront se faire de manière plus pratique et facile parce que là, c’était un peu compliqué peut-être parce qu’il y avait une organisation qui n’était pas en place.
L’un des faits marquants de la première année de votre staff à la tête des Lions, c’est votre invincibilité. C’est forcément un exploit qui vous réjouit !
Forcément, quand il y a les résultats, on est contents. En plus de cela, je pense que notre équipe va progresser encore et le coach a toujours souhaité que s’il y a des matches amicaux qu’on doit jouer, que ce soit avec les grandes nations pour se jauger, pour voir un peu jusqu’où on peut aller. Mais ce qui se passe et c’est ça qui me fait plaisir, c’est que le coach a une ligne à suivre. Et là, il sait où il veut aller et les joueurs adhèrent complètement à son projet, à sa façon de faire passer les messages, à sa méthode de travail et ça, c’est très important. On a un analyste vidéo dans l’équipe qui fait un gros travail d’analyse. Quand je vois les japonais lors de la conférence de presse d’après match (le 9 octobre 2020, NDLR), ils étaient étonnés, ils ont posé la question au coach pour savoir comment il a fait pour réussir à discipliner l’équipe de cette manière-là – ils ont déjà joué le Cameroun et d’autres pays africains et ils n’ont jamais affronté une équipe avec une telle discipline alors qu’on était une équipe qui avait peut-être la moitié de ses joueurs absents. Mais malgré ça, quand je vois ce qui s’est passé, ça prouve qu’il y a une méthode qui est en place, qui prend son chemin.
Dans l’opinion publique, il se dit que c’est vous qui avait pesé de tout votre poids pour qu’Antonio soit recruté à la tête des Lions Indomptables. Est-ce que vous confirmez que c’est vous qui l’avez amené au Cameroun?
Non, pas du tout ! Je pense que le Ministère, avec la fédération, ils ont mis en place, d’après ce que j’ai compris, une commission avec un président, qui a auditionné, a fait une audition de plus de 30 entraineurs et ils ont sorti les petites listes jusqu’à arriver à la dernière liste. Je connaissais l’agent du coach et je connaissais le coach et ses méthodes de travail. Eux, ils m’ont sollicité, ils m’ont dit : on est sollicité par le Cameroun et si on y va, on a besoin de ton expérience, quelqu’un qui connait bien le pays. Voilà pourquoi je l’ai accompagné. Bien sûr, tout le monde le sait, c’est déjà de notoriété publique : le ministre des sports et moi, on se connait. Je ne vais pas vous dire que ce n’est pas vrai, j’étais au lycée avec lui, ça a aidé parce que connaissant le Ministre et connaissant le président de la Fédération que j’avais rencontré un an avant, quand j’étais venu au Cameroun, et à qui j’avais dit : si tu as besoin de moi, je peux t’aider, je serai toujours disponible si tu me sollicites. J’avais pour moi dans l’esprit, deux personnes avec lesquelles je savais que je pouvais travailler… Et puis bon, j’ai quand même fait beaucoup de choses dans le football aujourd’hui que donner un peu à mon pays, ça ne pouvait être que quelque chose de positif pour moi.
L’autre mérite qu’on reconnait au staff actuel, c’est cette capacité d’aller dénicher les talents camerounais un peu partout en Europe et dans le monde. Est-ce que c’est un travail qui va continuer ?
Ah ça, c’est même l’objectif du coach. Il est venu au Cameroun pour faire un travail dans la durée et avec un objectif : celui d’aider le football camerounais, que même si demain il n’est plus là, qu’il y ait quelque chose qui soit mis en place pour durer et pour l’intérêt du football camerounais. Les résultats de l’équipe nationale, c’est important. Mais à travers l’équipe nationale, c’est tout le football camerounais qui intéresse le coach. Il est malheureux aujourd’hui parce qu’il ne peut pas venir voir les matches, il n’y a pas de championnat alors que lui, ce qu’il a envie, c’est de sillonner le pays, aller à gauche et à droite pour essayer de dénicher parce que nous, et moi personnellement, ayant joué au Cameroun, je suis convaincu qu’il y a des talents dans ce pays qu’on peut sortir et en dehors du pays, je peux vous dire que le coach regarde plus de deux cent matches. L’analyste vidéo fait des montages, il étudie tous les matches, tous les jours, parfois même des joueurs que personne ne connait. Il a toutes les informations, les statistiques sur ces garçons, même dans des centres de formation. Tout ça, c’est du travail. Quand on arrive en stage, avec un groupe, on ne sait pas tout ce qui a été fait en amont pour arriver à ce groupe. Ceux qui sont dans ce groupe, on les suit régulièrement. Le coach les appelle et un par un régulièrement. Il y a un contact avec ces joueurs, ce n’est pas juste le jour où on se regroupe qu’il y a le contact.
Parlant des éliminatoires de la CAN 2021, le Cameroun semble déjà bien lancé dans son groupe et est d’ailleurs pays organisateur. Mais dans les perspectives, il y a les éliminatoires du Mondial qui commencent bientôt. Comment allez-vous aborder cette compétition sachant qu’on partage le même groupe avec la Côte d’Ivoire qui est un des cadors sur le plan africain ?
Ce que je peux vous dire, c’est que les matches de mars, le coach les a déjà préparés, il est déjà sur ce qui doit se passer aux mois de mai et juin. C’est quelqu’un qui travaille énormément avec toute son équipe et tout le monde est au taquet. Depuis le dernier match, on est déjà au taquet pour ce qui va se passer. Depuis le tirage au sort qui a permis de connaitre nos adversaires pour les qualifications pour la Coupe du Monde, le coach a déjà des projections du travail régulier qu’il est en train de faire, des observations des joueurs, des adversaires… La machine est déjà en route. Depuis qu’on a fini le dernier match, on est passé déjà à la projection de tout ça et l’objectif du coach, il est clair, c’est d’amener le Cameroun à atteindre les objectifs fixés dans le cadre de la CAN 2022 et la Coupe du Monde.
En tant qu’ancien joueur, en tant qu’observateur très averti du football, en tant qu’agent de joueur, est-ce que vous avez l’impression que ce groupe a le niveau véritablement pour terminer en tête de sa poule dans ces éliminatoires pour la Coupe du Monde ?
Si on parle footballistiquement, objectivement, je peux vous garantir que ce groupe-là a un potentiel que personne ne peut imaginer aujourd’hui. On a des joueurs de très haut niveau et je peux vous dire que le coach, dans sa tête, ce qu’il veut, c’est que demain, quand le Cameroun joue contre un adversaire, que cet adversaire ait peur de jouer contre le Cameroun. Ça, c’est l’objectif du coach. Tel que je le connais, je sais ce qu’il veut et il leur a dit : il sait ce qu’il veut. Et sur le plan tactique, vraiment ce que j’ai vu, les joueurs sont à fond avec lui. Je peux vous dire que quand on voit un gars comme Anguissa qui parle du coach alors qu’il fait partie des joueurs importants du groupe, ou les Oyongo Bitolo qui te parle de la concurrence, ça prouve à quel point les garçons sont heureux d’être là et qu’ils adhèrent complètement. Le coach est trop exigeant, il demande beaucoup aux joueurs, c’est pour ça qu’il est aussi exigeant avec moi, avec les dirigeants pour que toutes les conditions soient mises en place pour protéger les joueurs.
Parlant de la concurrence en sélection, on constate qu’à plusieurs postes, c’est pratiquement un embouteillage, avec des joueurs qui performent pratiquement au même niveau dans leurs clubs respectifs. Qu’est-ce qui va faire la différence ? Est-ce que l’esprit qu’on souhaite développer au sein de l’équipe nationale va avoir une place de choix ?
Tout est important. Vous savez, quand on voit la France qui s’est privé de certains joueurs, que ça soit en 98 ou en 2000 et en 2018, des joueurs de classe mondiale et ils ont réussi à gagner leurs compétitions, c’est parce qu’ils ont peut-être mis l’accent sur le groupe au-delà de l’aspect individuel. J’ai vu Pogba faire des déclarations avant la Coupe du Monde en parlant du groupe, en disant qu’il faut qu’il prenne ses responsabilités mais en mettant en avant le groupe. Je pense que c’est ça qui est le plus important et comme je connais le coach, c’est quelqu’un pour qui le groupe est plus important que n’importe qui.
L’actualité nous oblige à vous poser cette question. On a Didier Lamkel Ze qui a fait une bourde avec son club en venant aux entrainements avec le maillot d’une équipe concurrente. Comment avez-vous apprécié le comportement de ce joueur que vous avez déjà eu à recevoir une fois dans la tanière. Est-ce que ça vous a surpris ?
Surpris ? Oui et non parce que j’avais eu des échos sur le joueur et son comportement, même le coach avait eu les échos. Mais le coach ne fait aucun préjugement, il donne la possibilité à tout le monde de venir s’exprimer avec lui et c’est à ce moment-là qu’il juge les garçons. La seule chose que je peux vous dire, c’est qu’il a été convoqué une fois et après, vous avez bien vu de vous-mêmes qu’il a disparu, je ne sais pas ce que je peux ajouter à ça (rire…).
Peut-être parce qu’il a été relégué en réserve à Antwerp…
Je ne sais pas mais vous voyez bien qu’on a fait revenir un gars comme Olinga dont tout le monde disait qu’il ne jouait pas. Mais je laisse les gens eux-mêmes apprécier. Personnellement, ce que j’ai vu avec ce garçon, je n’ai pas senti une implication personnelle. Après, si le coach ne l’a pas appelé, je pense que le coach a des raisons que lui-même doit exprimer le jour où on lui posera cette question.
Comment jugez-vous les rapports actuellement entre la sélection nationale et la presse camerounaise ?
Aujourd’hui, je pense que ce n’est pas assez. Personnellement, je pense qu’on peut encore aller plus loin et c’est très important qu’on aille plus loin et ça y va de l’intérêt de notre football et de la popularité de notre équipe nationale. Par rapport à ça, je dis qu’on n’a pas encore atteint les objectifs. Il y a un Team Press qui a été nommé dernièrement (Serge Guiffo ? ndlr) avec qui, on s’entend très bien, il y a une communication entre nous et je pense que c’est quelqu’un qui peut être beaucoup plus performant encore plus que ce qu’on voit aujourd’hui. Mais, c’est pareil, on ne se connaissait pas, on se découvre, on essaie d’échanger et d’avancer. Mais je pense qu’il faudra encore aller plus loin, que les joueurs soient disponibles pour répondre à la presse. Moi, mon rêve, et je pense que le coach le pense aussi fortement pour en avoir discuté avec lui, c’est qu’on doit privilégier la presse camerounaise pour que la presse occidentale qui utilise ces joueurs viennent puiser là-dedans. Donc, vous voyez tout le chemin qu’on doit parcourir ensemble. C’est pour cela je vous dis que pour moi, ce n’est pas encore assez. Et j’espère qu’on va y arriver. Aussi, je pense qu’il faut avoir la critique. Sans la critique, personne au monde n’avance. Si on refuse la critique, ça veut dite qu’on veut cacher des choses mais la critique doit servir pour avancer. Moi personnellement, je pense qu’on doit laisser la liberté aux médias pour chercher toutes les informations dont ils ont besoin afin d’informer le peuple. Parce que quand le peuple est informé, on a la popularité. Même quand j’ai parlé tout à l’heure des anciens, j’estime qu’ils peuvent avoir un regard sur ce qui se passe et avoir un mot à dire, peut-être même apporter une critique et on doit prendre cette critique comme quelque chose pour construire et non pas autre chose parce que j’ai l’impression qu’ici au Cameroun, celui qui critique est perçu comme quelqu’un de méchant et il faut lui taper dessus. Non ! Celui qui critique doit te permettre de te remettre en question pour avancer et progresser. Et j’espère que l’esprit dans lequel j’essaie de me positionner, c’est celui-là et j’espère pouvoir passer ce discours aussi aux joueurs parce que c’est important pour eux, pour qu’ils progressent. S’ils ne sont pas critiqués, ils ne vont pas progresser.
Pour sortir, c’est la saison des vœux. Quel serait votre vœu le plus cher pour 2021, en tant qu’agent de liaison de la sélection ?
Mon vœu le plus cher, forcément, je veux que nous ayons les résultats et que les échéances qui arrivent, qu’on puisse les aborder dans de meilleures conditions… Il y a le CHAN, c’est très important de soutenir cette équipe parce que c’est l’antichambre de ce qui va se passer peut-être en 2022. Donc, il faut que tout le monde soit derrière cette équipe où les techniciens travaillent avec beaucoup de difficultés, sans championnat, c’est très compliqué. Bien sûr, quand ça ne va pas, il faut dire des choses mais ces gens-là, je leur tire un chapeau parce qu’aussi bien celui qui était là avant que ceux qui sont là aujourd’hui, ils font un travail extraordinaire. Mon vœu le plus cher est celui-là, qu’on ait de bons résultats et surtout que l’ensemble du football se regroupe et communique ensemble. Il y a les médias, il y a l’équipe nationale, il y a la FECAFOOT, il y a le Ministère, il y a les autres corporations. Que tous regardent dans la même direction. Et l’autre vœu, c’est qu’on comprenne qu’à travers le football, il y a aussi tous les autres sports. On a des figures dans les autres sports, que ces figures-là, on les rapproche dans l’événement qui arrive. Que ce soit un événement pour tous les sportifs camerounais, que ce soient les boxeurs, que ce soient les athlètes, que ce soient les basketteurs comme les Embid aujourd’hui, les Siakam… Moi, j’ai envie de les rapprocher de cette équipe nationale pour l’événement qui arrive pour le Cameroun.
Merci infiniment
C’est moi qui vous remercie.
Entretien mené par Wiliam Tchango et Léger Tientcheu